Sur la situation politique.

Publié le par Gauche Unitaire 82

Lors de ses vœux télévisés, de François Hollande, a assumé avec force l’orientation clairement libérale de la politique mise en œuvre par son gouvernement. Loin de constituer un « tournant », la proposition d’un « pacte de responsabilité » avec les entreprises concrétise l’orientation mise en œuvre depuis mai 2012 qui vise à établir un compromis entre la gauche au pouvoir et des secteurs du patronat. Alors que l’UMP reste sans voix face à la reprise par le Président de la République de ses principales propositions, les dirigeants socialistes cherchent à imposer l’idée qu’il ne peut y avoir d’autre orientation à gauche qu’au sein de la majorité présidentielle. Le risque de progression du Front National, dont la politique désastreuse du gouvernement ne cesse de faire le lit, est agité comme une menace pour paralyser les initiatives. De son côté Manuel Valls, instrumentalisant la nécessaire lutte contre les propos antisémites de Dieudonné, joue un jeu dangereux qui banalise la remise en cause des libertés individuelles.

Le déploiement dans les prochains mois de cette politique, toute entière dévouée à la satisfaction des exigences de la compétitivité du capitalisme français, aura des conséquences profondes sur le paysage politique, sur les forces de gauches, sur les acteurs du mouvement social. L’opposition entre les deux orientations qui traversent la gauche, d’adaptation ou de rupture avec le libéralisme, reste une question incontournable.

C’est pourquoi il est essentiel que se construise aujourd’hui une véritable alternative de gauche à la politique du gouvernement Ayrault. Le défi est de créer les conditions de convergences entre des expériences de mobilisations sociales et des processus de recompositions politiques. C’est une exigence ambitieuse, mais qui est incontournable pour créer les conditions d’une large implication populaire, pour une véritable transformation sociale et écologique et de la confrontation nécessaire avec les classes dirigeantes. Cela demandera des étapes, l’accumulation d’expériences, de batailles communes entre forces de gauche, syndicales et associatives. C’est ce que le Front de Gauche avait commencé à faire avec la marche du 5 mai pour une VIème République et les Assises du 16 juin pour changer de cap en France et en Europe. C’est ce qu’il faut poursuivre dans les prochains mois.

Des prochaines étapes se dessinent dès maintenant. La campagne unitaire contre la hausse de la TVA constitue une priorité pour refuser les conséquences de l’austérité gouvernementale qui appauvrit les classes populaires pour financer les 20 milliards de cadeaux au patronat. La journée nationale interprofessionnelle du 6 février à l’appel des organisations syndicales doit être l’occasion de porter à une large échelle des propositions fortes qui mettent en cause le « coût du capital » et combattent les discours patronaux et gouvernementaux sur le « coût du travail » qui assimile les salariés à une variable d’ajustement. La journée de mobilisation du 22 février contre le Grand Projet Inutile de l’aéroport de Notre Dame des Landes est également une échéance importante. Même si les forces du Front de Gauche sont divisées sur cette dernière question, il faut trouver les moyens de reprendre le débat sur un nouveau mode de développement et d’aménagement du territoire qui rompe avec le productivisme et la destruction de l’environnement. Enfin, la proposition d’Etats Généraux de la fiscalité, actuellement en débat doit être un moment d’éducation populaire pour porter à une large échelle les exigences d’égalité sociale, de justice fiscale, d’une redistribution massive des richesses, inséparable d’une réflexion sur la logique sociale et environnementale des richesses que nous produisons.

Dans ce contexte, il est fondamental de dépasser la situation de crise que le Front de Gauche connait actuellement. Des désaccords importants existent du fait du choix de certaines composantes du Front de gauche de s’allier avec le Parti Socialiste, notamment dans des grandes villes, où la nécessité de listes du Front de Gauche a toute sa pertinence. Mais ces désaccords ne peuvent justifier une logique de blocage qui pourrait entraîner un éclatement du Front de gauche dont personne ne sortirait gagnant. Ce serait condamner la gauche de transformation à une logique de fragmentation et d’éclatement que la démarche du Front de Gauche depuis 2009 avait permis de surmonter. C’est pourquoi, il est décisif d’engager au plus vite, la campagne commune pour les élections européennes, qui constitue le meilleur moyen pour tourner les forces du Front de gauche vers le peuple et créer les conditions pour faire face aux enjeux cruciaux auxquels nous sommes confrontés aujourd’hui.

Dans cette situation, la crise dans Gauche Unitaire provoquée par les décisions d’une partie de la direction contribue à fragiliser un peu plus le Front de Gauche. Le choix de se rallier à la liste Hidalgo à Paris et d’en faire un acte de portée nationale est irresponsable. Alors que le choix – que nous ne partageons pas – des camarades du PCF et de République et Socialisme s’appuie sur la volonté de poursuivre un travail engagé par les élus de ces deux formations et s’est fait après des débats collectifs au sein de ces formations, la décision des quelques militants de Gauche Unitaire de participer à cette liste, sans aucune exigence programmatique est dans le seul but d’obtenir des positions électorales. Une telle décision va à l’encontre des aspirations d’une grande partie des forces de gauche, communistes, socialistes, écologistes, militants syndicaux et associatifs et qui aspirent à la construction d’une alternative à la politique du Parti Socialiste.

Plus profondément, ce choix traduit un recul inquiétant des principes et des pratiques démocratiques. Il a été imposé après le vote d’une Conférence nationale en juin dernier qui a repoussé ce choix très majoritairement, après le refus d’un congrès de GU malgré la demande formulée par plus de 150 militants, l’exclusion brutale et contraire aux statuts de 35 militants et le refus de respecter la décision des militants de la section parisienne. Il traduit une conception de la politique basée avant tout sur la brutalité des mesures administratives et la peur de la confrontation politique, du débat argumenté, de la vie démocratique, qui suppose que chacun puisse convaincre l’autre de son point de vue et accepte d’être minoritaire s’il ne convainc pas.

Aujourd’hui, une très large majorité des militants de Gauche Unitaire refusent de cautionner de telles pratiques. Au congrès de Gauche Unitaire qui s’est tenu en avril 2013, nous constations, dans un document adopté à l’unanimité et intitulé « La démocratie jusqu’au bout » qu’une « ambiguïté sur le statut de la « démocratie » a traversé l’histoire du mouvement ouvrier, de la gauche et du marxisme depuis deux siècles ». Nous devons prendre acte que cette exigence n’a pas été comprise par tous !

Pour notre part, nous sommes déterminés à contribuer au travail de reconstruction d’une perspective d’émancipation, d’un nouveau projet de société qui permette de dessiner une issue à l’injustice et à l’inhumanité de la société actuelle, basée sur la concurrence de tous contre tous, le mépris d’autrui, la domination. C’est le sens de la poursuite, plus que jamais nécessaire, de la construction du Front de gauche, de son élargissement et de son enracinement populaire. C’est l’objectif que nous nous fixons à travers la constitution du réseau Gauche Unitaire. Nous souhaitons dans les prochains mois avoir le débat nécessaire entre les militants de Gauche Unitaire sur le processus de convergence engagé entre différentes composantes du Front de gauche qui a amené la constitution du mouvement « Ensemble ! ». Une partie des camarades en sont partie prenante à l’échelle locale et nationale. D’autres camarades ne sont pas aujourd’hui favorables à l’insertion dans ce processus. Dans la situation complexe que nous connaissons, il est plus que jamais nécessaire de prendre le temps d’organiser un réel débat, qui permette l’échange d’expériences entre militants, d’examiner les différents choix qui sont possibles aujourd’hui. Nous nous fixons comme objectif d’impliquer dans les prochains mois un maximum de camarades qui sont ou ont été partie prenante ou proche de Gauche Unitaire afin de pouvoir organiser ce débat à l’issue de la séquence des élections municipales et européennes pour lesquelles nous sommes engagés pour faire progresser le FDG.

Adopté le 19 janvier 2014.

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