Sur la guerre au Mali

Publié le par Gauche Unitaire

 

Depuis trois semaines, l’armée française est engagée dans une guerre au Mali. Le soulagement de la part de la majorité de la population malienne après l’arrêt de la progression puis le recul des groupes dits djihadistes est compréhensible. Ces derniers menaçaient de s’emparer de l’ensemble du pays. Les groupes « djihadistes » oppriment sous un joug barbare les populations du nord du pays en voulant leur imposer un modèle de société fondé sur la négation des droits humains les plus fondamentaux et de tout avenir démocratique.

Les origines de la désintégration du Mali sont profondes. Les politiques néolibérales imposées à ce pays comme à ses voisins depuis le début des années 2000, qui ont démantelé les services publics et déstructuré les circuits économiques et la société, figurent parmi les responsables de la situation inextricable du pays et l’effondrement de l’état en mars-avril 2012. L’intervention sarkozyste en Libye en 2011 en a provoqué la crise finale. Les interventions de l’OTAN en Afghanistan et en Libye n’ont fait que déclencher une spirale de conflits sans fin dont le Mali est l’expression la plus récente. Il n’est en outre pas neutre que la France intervienne dans une région où elle conserve de nombreux intérêts économiques et stratégiques, alors que restent bien vivants les mécanismes de domination que la Françafrique a perpétué avec ses ex-colonies africaines. Il est grand temps que la gauche rompe avec ces pratiques insupportables !

En France, le débat politique ne saurait être aujourd’hui escamoté au nom de l’engagement des troupes françaises sur le terrain. Quels sont les objectifs de cette guerre ? Jusqu’où l’état-major de l’armée compte-t-il la mener et dans quelles relations avec les États de l’Union africaine ? Comment est-il envisagé de redonner au plus vite aux Maliens les moyens de déterminer librement leur avenir, de recouvrer l’intégrité et la souveraineté de leur pays, de reconstruire un État démocratique légitimé par un processus électoral que contrôlerait l’ensemble des composantes politiques ? Quels rapports sont aujourd’hui établis entre les autorités françaises et les Touaregs, afin de ne pas hypothéquer la solution qui devra être apportée aux droits que ces derniers revendiquent ? Le fait que la région retrouve la voie de la stabilité dépend en partie des réponses à ces questions.

Parce que ces questions doivent être largement débattues, il est impossible d’accorder un blanc-seing au président de la République et chef des armées, François Hollande. Le climat belliciste est inquiétant. Il est dangereux de vouloir réaliser l’union sacrée autour d’une « lutte contre le terrorisme » dont les accents rappellent les discours néoconservateurs de l’administration Bush qui ont alimenté l’amalgame scandaleux entre « Islam » et « terrorisme ». La société française a été trop brutalisée par les diatribes nauséabondes de Nicolas Sarkozy pour que son successeur joue avec de tels mots. D’autant que le rehaussement du plan Vigipirate ajoute à la tension.

Il n’est pas davantage acceptable que l’entrée en guerre ait été décidée sans aucun débat préalable du Parlement sur la situation en Afrique de l’Ouest et les responsabilités qui pouvaient incomber à la France. La pérennisation des pouvoirs discrétionnaires du président de la République soustraits à tout contrôle démocratique est la marque du danger que représentent les institutions de la V° République. Dans le cas présent, elle prive le pays du débat auquel il a droit.

Publié dans INTERNATIONAL

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article