" La précarité du travail des femmes progresse avec la dégradation de l'emploi "

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Questions à Françoise Milewski, économiste à l'OFCE, in Le Monde, 27.01.12

 

Pourquoi les femmes, relativement épargnées par la hausse du chômage en 2009, ont-elles été plus atteintes ensuite ?

La crise a d'abord conduit à une hausse du chômage des hommes plus importante que celle des femmes. Cela a entraîné une convergence entre les taux de chômage à la fin de l'année 2009 et au début de 2010. C'est un fait notable, car le taux des femmes était jusqu'alors structurellement supérieur d'environ 2 points à celui des hommes. Aussi, au début de la crise, les pertes d'emplois ont été plus fortes dans l'industrie et le bâtiment, qui sont des secteurs très masculins. Dans les services, plus féminins, il y a eu un ralentissement, mais pas de diminution de l'emploi. Mais, courant 2010, la tendance s'est inversée. Le taux de chômage des hommes a diminué, et celui des femmes a augmenté. Un écart est réapparu. Au troisième trimestre 2011, le taux de chômage des femmes était supérieur de 1 point à celui des hommes.

 

Les hommes inscrits en catégorie A - sans activité au cours du mois - restent toutefois plus nombreux que les femmes...

Depuis la fin 2008, le nombre d'hommes en catégorie A dépasse, en effet, celui des femmes. En revanche, elles sont nettement plus nombreuses en catégories B et C, qui incluent les demandeurs d'emplois ayant une activité partielle. En novembre 2011, elles étaient 783 400 contre 616 000 hommes dans ces catégories. Au second semestre 2011,
la situation s'est davantage dégradée pour les femmes que pour les hommes. Parmi les demandeurs d'emploi involontairement en activité réduite, elles sont proportionnellement plus nombreuses que les hommes à n'être qu'en activité courte, de moins de 78 heures par mois. Le développement du temps partiel
contraint, qui concerne plus les femmes, date des années 1990. Il résulte de politiques qui l'ont favorisé et de secteurs où les femmes travaillent, comme les services. Les salariés en temps partiel sont, pour 80 % d'entre eux, des femmes. La crise a eu pour conséquence une montée du chômage et des formes de quasi-chômage, temps partiels et réductions d'horaires dans les temps partiels existants.
 

 

Que peut-on faire pour agir spécifiquement sur l'emploi des femmes ?

Je ne crois pas à des politiques de l'emploi qui viseraient spécifiquement les femmes. Mais il faut faire attention aux mesures qui favorisent des formes d'emploi comme le temps partiel de plus en plus court ou les contrats à durée déterminée, qui ont plus d'impact sur elles. La précarité et la pauvreté des femmes n'ont fait que progresser en raison de la dégradation de l'emploi et des réductions d'horaires. On entend de plus en plus les femmes dire " je cherche des heures " et pas " je cherche un emploi " . Il faudrait décourager les temps partiels inférieurs à 15 heures par semaine, utilisés massivement dans certains secteurs, car ils ne permettent pas aux femmes concernées de sortir de la pauvreté.
 

 

Propos recueillis par J.-B. C.
Tous droits réservés : Le Monde Diff. 367 153 ex. (source OJD)
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